Deux jours après, l’annonce du jugement du tribunal de commerce qui, à la surprise générale, a choisi de ne pas vous confier les rênes de la société SES, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Abbas Badreddine, directeur de Plastica : « Tout cela est confus. On n’a pas compris ce qui a bloqué. Après l’audience du 17 janvier au tribunal de commerce du Puy-en-Velay, nous étions très confiants. Tous les feux étaient au vert. Nous avons un projet de reprise de la société SES sur le site actuel avec l’ensemble des salariés. D’ici deux à cinq ans, il est prévu d’investir 15 millions d’euros sur le plateau de Saint-Pal-de-Mons/Sainte-Sigolène pour créer un nouveau site de production car les locaux actuels de SES sont vétustes et pas adaptés à nos ambitions à l’international. Tout est prêt. Depuis trois mois nous avons beaucoup investi en temps et en argent sur ce projet. Un directeur général du secteur du plastique a été recruté pour démarrer dès le 1er avril ».
Outre les salariés et la municipalité de Saint-Pal-de-Mons, qui avait donné un avis favorable à votre offre ?
Joël Cadier, conseiller financier : « Le juge-commissaire a souligné que les deux offres proposées assurent la pérennisation des activités. Pour lui, elles sont à égalité. Le Ministère public a pointé lui aussi le caractère sérieux des deux projets, et déclaré avoir une préférence pour celui de M. Badreddine car il maintient l’ensemble des emplois et l’activité sur le site. Il a pointé le savoir-faire reconnu de Leygatech mais constaté que la défiance des salariés sur ce projet risquait d’obérer les perspectives de reprise. La seule motivation de la décision du tribunal c’est donc que la garantie de réalisation du plan est plus solide dans l’offre de Leygatech ».
Depuis mercredi, les salariés occupent l’usine, aux côtés de la CGT et de la municipalité. Quel regard portez-vous sur cette situation ?
Abbas Badreddine : « Nous sommes très touchés par l’attitude des salariés et des élus. Ce qui se passe depuis mercredi est catastrophique pour tout le monde. »
« Le parquet était le seul à pouvoir permettre d’éclaircir la situation »
Le procureur vient d’annoncer qu’il fera appel de la décision. Voilà qui vous satisfait ?
Abbas Badreddine : « Le parquet était le seul à pouvoir permettre d’éclaircir la situation. Nous allons pouvoir démontrer notre capacité et notre volonté à développer l’activité sur le plateau. Ce dossier, on le maîtrise bien ».
L’offre de Leygatech a été présentée comme la mieux disante d’un point de vue financier.
Joël Cadier : « Les deux offres financières ne sont pas comparables. M. Badreddine met 2,6 millions d’euros sur la table ; et Leygatech, 1 million. Plastica paie le fonds de commerce 150 000 euros et Leygatech 320 000. Mais Plastica reprend la totalité des crédits baux. On a même donné une caution bancaire. Le Code du commerce prévoit que le tribunal retienne l’offre qui permet dans les meilleures conditions d’assurer le plus durablement possible l’emploi attaché aux biens cédés, le paiement des créanciers, et présente les meilleures garanties d’exécution. Or Plastica reprend tout le monde. Pour le paiement des créanciers, la société prévoit 3 millions d’euros. Quant aux meilleures garanties d’exécution : il n’y a rien de plus subjectif, mais c’est là-dessus qu’on a été jugé ».
Face à une entreprise reconnue et très bien implantée dans le secteur, Plastica France, créée il y a quinze jours, pouvait difficilement convaincre…
Joël Cadier : « On a en effet entendu cet argument selon lequel ce n’est pas le groupe Plastica (1 900 salariés en Côte d’Ivoire et au Togo, 33 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2018, NDLR) qui a déposé l’offre de reprise mais M. Badreddine. Elle avait été faite à son nom parce que, légalement, il était le seul à pouvoir créer la société dans un délai très court. Le groupe Plastica a créé Plastica France pour racheter le fonds de commerce de SES. La société Leygatech, elle, intègre SES à 100 % dans sa structure juridique au sein de son établissement de Saint-Romain, ce qui a été jugé comme un gage de pérennité à long terme. Alors que l’avenir de la SAS de M. Badreddine au capital de 1 000 euros a été jugé incertain. Même si une garantie de 1 million d’euros a été donnée, et un chèque de banque de 150 000 euros déposé. Ainsi que la garantie morale de financer les pertes, s’il y en avait, jusqu’en 2022 ».