Depuis le 30 mars, le groupe ivoirien Plastica possède une filiale en France. Une première implantation hors du continent pour cette entreprise familiale, dirigée par Abbas Baddredine, qui est leader en Afrique de l’ouest francophone dans le secteur de la plasturgie.
La semaine dernière, la cour d’appel commerciale de Riom (région Auvergne-Rhônes-Alpes) a retenu le dossier de Plastica pour la reprise de la société Stephany Emballages et Services (SES), basé à Saint-Pal-de-Mons (département de la Haute-Loire), premier fabricant français indépendant de sacs à ouverture double pour le linge contaminé et de sacs à fermeture étanche pour les prélèvements médicaux. Un savoir-faire particulièrement recherché en pleine pandémie de Covid-19.
« On augmente notre chiffre d’affaires de 20 % sur les dernières semaines, on est le seul fabriquant français sur les liens hydrosolubles pour les sacs de linge contaminé donc avec le contexte actuel du coronavirus, les commandes affluent et on essaie d’y faire face tant bien que mal avec toutes les difficultés de trésorerie que l’on avait, dues au redressement judiciaire », confie à la radio France Bleu Yohan Fialon, délégué syndical de l’entreprise.
Fondé en 1988, SES qui vend 100 % de sa production en France, était à la recherche d’un nouvel actionnaire depuis un an. L’entreprise qui réalise environ 8 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie 36 salariés connaissait des difficultés financières en raison d’une politique d’acquisition mal maîtrisée et d’investissement trop importants dans la production de plastiques biodégradables dont la demande reste limitée.
Un chèque de près de 3 millions d’euros
Écarté une première fois par les juges consulaires du tribunal de commerce du Puy en Velay début janvier, Plastica dont le siège est installé dans la zone industrielle de Koumassi à Abidjan a finalement emporté la mise face au groupe français Leygatech (65 millions d’euros de CA) dont l’offre de reprise avait été rejetée en bloc par les salariés.
Contrairement à son concurrent, le groupe ivoirien s’est engagé à conserver l’ensemble des employés et à payer les primes dues. Pour acquérir SES, Abbas Braddedine, directeur général et actionnaire majoritaire de Plastica, qui n’était pas joignable au moment de la rédaction de cet article, a fait un chèque de 2,85 millions d’euros, auquel viendra s’ajouter une réserve d’un million pour éponger les difficultés de trésorerie.
L’opération, montée en quelques semaines avec l’appui de la banque d’affaires Keys Finance fondé par Joël Cadier, ancien DG de l’ivoirien Sifca, prévoit un plan d’investissement de près de 15 millions d’euros sur les trois prochaines années.
La construction d’une nouvelle usine est prévue pour démarrer dans les prochains mois. Elle pourrait accueillir ses premières lignes de production en 2022 si le projet ne prend de retard compte tenu des restrictions imposées par le gouvernement français pour lutte contre la pandémie de Covid-19.
15 millions d’euros de chiffre d’affaires
Pour redresser les comptes de SES renommé Plastica France, Abbas Braddredine a prévu de développer les exportations au niveau européen, mais aussi vers l’Afrique. D’ici à trois ans, sa filiale française pourrait réaliser 30 % de ses ventes sur le continent à destination du secteur médical et de l’industrie alimentaire.
Son chiffre d’affaires devrait selon les projections du repreneur atteindre 15 millions d’euros.
Plastica entend également utiliser cette nouvelle tête de pont pour commercialiser à partir de la France du matériel de jardin, des sacs en polypropylène et d’autres articles de ménages.
Né au Liban, mais arrivé très jeune en Côte d’Ivoire, Abbas Baddredine a repris les rênes de Plastica en 2007. Membre actif de la chambre de commerce ivoiro-libanaise, il a en un peu plus d’une décennie totalement transformé la petite PME familiale fondée en 1999 par son père.
A Abidjan, son usine s’étend sur 45 000 mètres carrés. En 2011, Plastica s’est aussi implanté au Togo où l’entreprise occupe 19 000 m2. L’an dernier, les deux sociétés ont réalisé un chiffre d’affaires d’environ 45 millions d’euros en employant 2 000 personnes.
Le groupe Castel parmi ses clients
Pour faire décoller ses ventes, l’entrepreneur ivoiro-libanais, titulaire d’une licence en gestion de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, a lourdement investi (24 millions d’euros depuis 2014) afin de moderniser son outil industriel. Cette stratégie a permis de porter la capacité annuelle de production des usines du groupe à 35 000 tonnes de plastique, tout en préservant un bon niveau de rentabilité puisque la marge brute d’exploitation de Plastica était d’environ 15 % en 2019.
« Les sociétés ivoirienne, togolaise et française devraient à moyen terme être réunis au sein d’un holding et leurs résultats consolidés afin de faciliter l’accès à de nouveaux financements », explique Joël Cadier.
Le portefeuille de Plastica comprend environ 600 clients dont le groupe Castel embouteilleur de Coca-Cola. La production de films, de fils et ficelles et de sacs destinés aux industries alimentaires, chimiques et aux cimentier représentent 56 % de ses revenus. La fabrication de bidons, casiers, cagettes, articles de ménage et de jardins : environ 35 %.
D’abord vendus sur les marchés ivoiriens et togolais, ses produits sont également exportés (30 % des ventes), principalement en Afrique de l’ouest et au Gabon. Ses activités, très diversifiées mettent l’entreprise en compétition avec les importations asiatiques, mais aussi des filiales de multinationales comme Filtisac (IPS), MIPA (Cfao), et des concurrents locaux (Okplast, Nouvelle Mici Embaci). L’entreprise a par ailleurs développé une activité de négoce de matière première (10 % de ses revenus).
L’an prochain, Plastica entend ajouter une nouvelle corde à son arc en créant une unité de recyclage de polyéthylène en Espagne. Cette unité permettra notamment d’approvisionner SES en matières premières pour la fabrication locale de sacs poubelles.